• Balkans duo

     

    BALKANS

      avec Cléo

     

    janvier - septembre 2014        

     

     

     

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    Petit article pour vous faire le récit d'une rencontre, et le portrait d'un beau personnage

     

    Arbenita

     

    Novi SadVoïvodine (nord de la Serbie)

    Comme depuis notre départ, notre terrain de jeu, de vie, d'émoi et de rencontres, c'est d'abord et avant tout la rue. Après la jungle urbaine de Belgrade où il est difficile de se faire une place entre les 25 autres musiciens qui se sont levés plus tôt que vous pour jouer, Novi Sad fait figure de petite ville tranquille et facile à vivre. C'est grand, tout de même, et il faut apprivoiser le centre-ville, s'y faire sa place. Il y a déjà là un vieux gaillard en costume traditionnel qui égraine quelques airs nasillards sur ses flûtes étranges, ici un jeune gitan qui doit avoir à peu près onze ans et qui joue de l'accordéon à vous dégoûter de jamais reposer la main sur le votre, et plus loin, deux bonhommes aux trognes sympathiques qui font du jazz manouche. Contrairement à Belgrade, personne n'est amplifié, ce qui nous laisse une périmètre sonore d'environ 50 mètres où l'on n'entend que nous. 

    C'est amplement suffisant, allez, en avant la musique !

    Entre deux couplets, parfois, on a tout juste le temps d'échanger quelques mots avec Cléo. Voilà qu'elle me susurre à l'oreille :  "Woah, regarde ce sourire..." avant d'entonner le refrain du morceau en cours. Ce sourire, c'est celui d'Arbenita, qui s'est arrêtée à quelques mètres de nous et nous dévore des yeux. A peine a-t-on fini la chanson qu'elle vient nous parler dans un anglais impeccable. Elle dégage une énergie et une force affolantes. Tout son corps maigre se bouleverse de saccades et de mouvements pour mieux appuyer chacune de ses paroles. On ne le montre pas trop, mais, dès les premiers mots qu'elle nous adresse, on est sous le charme, et un peu impressionnées. 

    Arbenita a 28 ans, mais en paraît 16. Elle est gitane, et, comme beaucoup des siens, elle est rescapée d'une histoire de vie tortueuse et complexe. Mais c'est une tête forte, et une acharnée : elle vit grâce à l'argent qu'elle fait dans la rue en dansant avec des bolas enflammées, et en faisant des compétitions de fléchettes, domaine dans lequel elle excelle. Elle a été à une époque la première femme championne de fléchettes en Serbie ! Ces deux passions qui n'ont à priori rien à voir l'une avec l'autre achèvent de nous brosser le portrait d'Arbenita, qui ne perd pas le nord et ne tarde pas à nous solliciter. "J'aime ce que vous faites, il faut qu'on fasse un spectacle ensemble"

    Spectacle, donc. Arbenita mène les opérations. Ensemble, on prend d'assaut la grande rue commerciale de Novi Sad, et la demoiselle, pas impressionnée un brin, se plante au milieu des passants et se met à déclamer. "Mesdames et messieurs, pour vous aujourd'hui, spectacle de bolas enflammées ! A la musique, Cléo et Manon qui nous viennent de France ! On les applaudit bien fort !". Et le spectacle commence, entre nous deux qui beuglons nos musiques pour mieux se faire entendre de la bonne cinquantaine de gens qui se sont arrêtés, Arbenita qui danse avec un sourire incroyable sur le visage, et Samir, un petit gitan de 8 ans qui jongle avec 4 citrons. 

     

    Arbenita Arbenita

    Arbenita aux bolas

     

    Arbenita Arbenita

     Nous trois, et Samir qui joue  au caïd devant l'appareil photo 

     

    On passe quelques jours ensemble avec Arbenita. Elle nous parle d'elle et de sa drôle de vie, des gitans qui ne trouvent leur place nulle part, du monde, de ses idées. Parfois elle raconte avec désespoir, parfois avec malice, rage, douceur, tendresse, impulsion. Un instant, ses yeux lancent du feu, celui d'après la voilà de nouveau avec son grand sourire qui lui donne un air d'adolescente piaffante avec sa voix haut perchée. 

    Sacré personnage. On l'a rencontrée, et on la reverra (si c'est vrai que le voyage impose certaines évidences, alors celle-ci en est une).

    Des fois on voudrait livrer sur ce blog un résumé de l'intégralité de ce que l'on vit. Pas besoin en vérité : ces moments-là, ces moments de rencontre et de fricotage avec l'inconnu, sont à eux seuls porteurs de tout ce qu'il y a de fort dans notre voyage. Je pourrais les décortiquer pour en extirper toutes les réflexions qui en découlent par la suite, tout ce que ces instants nous apprennent sur les pays qu'on traverse et sur les gens qu'on rencontre. Mais non... cette rencontre était comme ça : spontanée, vive, et c'est comme ça qu'elle se raconte aussi.

     

    Manon                


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    La Serbie...

    La Serbie, c'est ces grands bazars ou fruits et legumes cohabitent avec les telecommandes de television de toutes les teles du monde, qui elles memes sont voisines du stand de cette grosse dame qui vend ses tricots et quelques oeufs. Y a aussi ces stands de plantes sechees : camomille, menthe, origan...

    La Serbie c'est aussi toutes ces mosquees qui chantent un air qui a 1600 ans six fois par jours, et ces jeunes femmes voilees accompagnees de jeunes filles aux cheveux longs et lisses en jean moulant et debardeur. Et puis c'est auss ces bistros jonches d'ecriteaux en arabes, qui servent ces delicieux cafes turcs sous les yeux de cette femme a moitie nue se tremoussant erotiquement a la tele.

    Et puis c'est aussi le beau Bekim qui nous explique qu'etre tzigane ici, et de surcroit albanais, avec en plus la barbe du "muslim", eh ben... C'est un "big problem, you understand ? 20% ok, 80%, racismus in Serbia, in Germany it's not the same. But in Germany, 3 years in jail because I go in a bank with pistol... but it s ok. Jail in Germany is hotel, you have women 1 per monther".

    Mais aussi des sacs plastiques et divers dechets qui parsement les champs de petites taches de couleur. Les musiques ou l'orient et l'occident s'affrontent sans qu'il n'y ait de vainqueur. L'hospitalite sans limites et les attentions permanentes que nous retrouvons a chaque rencontre et qui nous envoient nos origines en pleine gueule. Des petites maisons de beton colore aux facades decrepites. Des enfants tziganes tous crottes qui tendent la main sans resultat. Le rituel du Baileys le soir avec Manon. Les "charlots" et les caleches tractes par des chevaux nerveux. Les demandes en mariage de ces celibataires qui ne se font toujours pas a la situation. Les "ne rasumiem" et "hvala" repetes a tout va. Les bureks au yaourt , bien sur. Les panneaux en cyrillique Made in Niš : "Маде ин Ниш". La honte qui nous prend lorsque l'on veut photographier une scene de vie quotidienne. Les salles de kafana ou les danseurs de kolo effectuent leurs pas la clope au bec devant une pancarte "interdit de fumer" dont ils se foutent eperdument. Des rakia, des rakia, des rakia, encore et toujours des rakia... et les strategies qui en decoulent pour eviter le verre suivant. Des cadeaux absurdes aussi : du sucre, un billet d'avion pour Dubai... Une main glissee sans delicatesse dans nos sacs de voyageuses.

     

    La serbie c'est la douceur de Yuso, la souffrance d'Alfan, les doutes de Vučko et le regard mysterieux du serveur dont j'ai oublie le nom... le printemps et tous ses bourgeons, toutes ses fleurs, le chant des oiseaux, et ce petit vent frais qui nous caresse la nuque. 

     Mais la serbie c'est aussi tout ce que nos statuts de voyageuses ne nous permetrons pas de voir....

     

    La Serbie La Serbie

    Arrivee a Novi Pazar                                      Marche aux puces de Niš

     

     

    Cleo                               


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               24 mars

    La vie est surprenante. On croit aller boire un cafe ou aller acheter un bout de fromage naivement, au lieu de quoi on se retrouve embarque dans des aventures qu'on ne soupconnait pas d'un brin...

    Sur la route, on croise un panneau en cyrillique qui nous invite a nous arreter acheter un peu de fromage directement a la ferme. On arrete la Vanette en negligeant de fermer les portes. Apres tout, la transaction ne devrait durer que quelques minutes... Une femme dans un jogging de velours violet est en train de fendre du bois. On lui explique nos intentions et elle part aussitot chercher une vieille femme dont les cheveux sont dissimules par un foulard sombre. Elle entre dans un atelier, le rez de chaussee de la maison, dans lequel le lait est transforme, et en ressort un enorme seau a la main. Elle nous tend a chacune un morceau de jeune fromage decoupe a meme le seau, qui s'avere evidemment etre delicieux. On tente de lui expliquer que c'est trop pour nous deux estomacs, mais elle nous fait comprendre qu'elle ne le vend que comme ca, a coups de 5 kilos. On est un peu genees de devoir refuser, mais ses eclats de rire face a nos frimousses confuses finissent par nous convaincre. Apres tout, pourquoi pas, on offrira du fromage sur la route...

    Elle nous propose un cafe turc en nous invitant dans la cuisine familiale. Peu a peu les habitants de la maison (Deda, qui a 90 ans, Baba, Ivana et Belko le couple d'agriculteurs, et les trois enfants : Maria, Den et Milan) suivis des voisins alertes de notre presence et bien sur, bureks, rakia, pommes du jardin... remplissent la cuisine. On va peut-etre aller fermer la Vanette finalement ! On ne comprend pas un dixieme de ce qui est dit a notre sujet autour de cette table, mais les rires et les sourires de tous se suffisent a eux-memes. Le probleme des langues n'en est plus un...

    Le defile continue jusqu'a tard dans la soiree. Deux flics en uniforme finissent meme par venir s'attabler avec nous. On arrive tout de meme, grace au tout petit anglais des enfants qui l'apprennent a l'ecole, a notre tout petit serbe, et aux dictionnaires francais-bulgare et anglais-serbe, a communiquer. On comprend notamment les nombreuses demandes en mariage que l'on refuse poliment. Nos verres, depuis notre arrivee, ne cessent d'etre remplis, et nous prenons alors la sage decision de dormir sur place. La maison se vide petit a petit et la vie de cette belle famille continue comme si de rien n'etait sous nos yeux curieux et amuses. Les gosses font leurs devoirs, la tele, qui etait restee allumee mais dont la voix etait dissimulee par le flots de rires et de paroles de tous les invites, reprend sa place. La čorba aux pates est rechauffee... Malheureusement pour nos ventres deja pleins a craquer, la soupe est jugee indigne de nous peut-etre par Ivana, qui nous prepare un repas a part. On part se coucher "bourrees comme des bureks".

    Le matin, rebelote : cafe turc et crepes a la confiture de prunes faite maison. On croit que tous les cadeaux ont ete echanges, quand Ivana nous glisse entre les mains un pot de cette succulente confiture, et de gros bisous sur nos joues roses de bonheur. On repart apres des aurevoirs chaleureux, avec Titograd, le pot de miel de Lozere et le vin de Nino en moins, mais lestees de 5kg de fromage, 500g de confiture, une casquette "Србија", un bonnet et une echarpe tricotes par Ivana, des bijoux, du rouge a levres... echange de bonheur reussi !

     

    Cleo                        

     

     

     

     


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    Montenegro ! Oh le joli pays, sur la carte si petit. Un sacre pas en avant dans le voyage, parce que, cette fois ca y est, on ne peut plus feindre de l'ignorer : on est dans les Balkans.

    Y a comme un flou poetique sur lequel les gens ici et la aiment debattre : "Mais au fait, les Balkans, ou est ce que ca commence exactement ?". Certains pretendent que la Slovenie deja en fait partie, d'autres, que les "vrais Balkans" ce n'est pas avant la Bosnie. On ne sait pas, en realite, mais en tout cas une chose est sure : quand en Croatie on parle des Balkans, les croates se designent clairement comme "legerement sous influence balkanique, bon, ok, d'accord, mais on n'en fait pas partie !". Tandis que, au Montenegro, quand on fait allusion aux Balkans, les gens tout de suite repondent "Eh bien, vous y etes".

    Pas d'ambiguite, on le sait donc maintenant : on est dans les Balkans. Par ailleurs, on le sent, aussi...

    Difficile de dire a quoi ca tient, ce ressenti. Cette sensation absolue que ca y est, on a change de pays, de monde, de tout. C'est des odeurs dans la rue, des eclats de voix qui semblent un tantinet plus ceci ou cela que ceux que l'on connaissait, des images pleines d'un exotisme un peu decale... C'est tout plein de choses, en fait, que j'aurais bien du mal a decrire.

    Arrivee a Kotor, premiere escale montenegrine : mah, mais c'est le bordel ! Charettes en ville, marches bruyants et pleins de vie, gens partout, enfants roms qui courent dans tous les sens, ... A Kotor on rencontre Nora.

    Crna Gora

    Nora sous le drapeau du Montenegro qui regarde le paysage

     

    Nora, elle est un peu comme sur cette photo. Douce, reveuse. Ne manque que son visage qui sourit. Nora est allemande, en plein dans de fastidieuses etudes de medecine. Elle a pris quelques semaines de vacances pour aller voyager. Et en un rien de temps, un brin de discussion et quelques audacieux projets, hop, on l'embarque avec nous le temps d'une quinzaine de jours ! Belle experience que de voyager a trois dans la Vanette.

     

    Crna Gora

    Kotor

     

    On s'enfonce dans le Montenegro. Pour la premiere fois depuis le debut du voyage, on decrit des trajectoires entortillees, courbes, pleines de virages : la route n'est pas droite. On aura fait un tour du pays assez complet.

    L'effroyable machine de l'hospitalite balkanique se met en marche pour mieux nous retenir captives, et, oh, qu'est ce que ca fonctionne bien ! Le montenegrin, plus encore que le croate, semble mettre un point d'honneur a ce que l'invite n'ait pas a lever le petit doigt pour quoi que ce soit. On se rend compte a cette occasion qu'il y a dans ce pays, comme dans tous, des choses sacrees :

    - le cafe turc. On fait bouillir de l'eau, on ajoute quelques cuillerees de cafe, puis on remet rapidement sur le feu a 3 reprises. On s'encquiert TOUJOURS avant de servir le cafe turc de si la personne le boit avec du sucre ou sans. Servir une tasse sucree a quelqu'un qui n'en prend pas usuellement est un crime a l'hospitalite, parait il.

    - la rakia. Eau-de-vie locale, consommee en quantites phenomenales dans tous les balkans. Tout le monde ici semble distiller sa propre rakia, comme si c'etait la plus evidente des choses. La rakia, c'est fort, c'est bon, ca chauffe partout, et surtout, ca ne se refuse pas.

    - les petits-coussins-sous-les-fesses. On ne laisse jamais, o grand jamais, un invite s'asseoir a meme le sol (pourtant Cleo et moi on aime bien ca, mais inutile d'insister : ce n'est decemment pas envisageable).

    - les galanteries. Certes, l'accordeon pese 10 kilos, bon, mais tout de meme, on aimerait bien pouvoir le porter parfois. Les hommes ici se font un plaisir et - presque - une obligation de porter toutes nos affaires. On a beau jouer les femmes fortes, ca ne marche pas toujours...

     

    Crna Gora

    Virpazar, pres du lac de Skadar

    Crna Gora Crna Gora

     

    Le Montenegro, c'est beau. Certes, tous les pays sont beaux. Mais enfin je ne sais pas, il y a quelque chose dans les paysages d'ici de particulierement puissant, evocateur. Pour moi, permis de conduire en poche depuis a peine 3 mois, c'est assez complique de gerer la Vanette tout en regardant le panorama. Parce que, non, dans ce pays, ce n'est pas possible de conduire sans s'emerveiller des alentours. Alors, eh ben, on fait ce qu'on peut... c'est a dire qu'on s'arrete tout le temps, pour profiter du paysage en toute securite au bord de la route... puis on repart, et on va planter la tente au milieu de ces montagnes qu'on admirait par la fenetre une heure plus tot.

    Crna Gora

     

    Il y a dans les Balkans quelque chose avec la route que je ne sais pas trop comment expliquer. Moi, je suis plus familiere de la rue : a force d'y jouer de la musique on finit par se rendre compte qu'il s'y passe des choses qui se repetent, que la rue a ses lois, ses evidences, ses images... Sa vie propre, quoi. La route, dans les Balkans, c'est pareil. Les gens ici ont une facon de s'approprier la route, de la faire leur, qui est tout a fait delicieuse ! Il y a des petites mamies, les bras pleins de grandes gerbes de plantes sauvages, qui agitent leur garnison au nez des automobilistes (sait-on jamais, on peut toujours avoir un besoin urgent d'asperges sauvages). Il y a les maisons de bric et de broc qui sont dressees la sur la chaussee, on ne sait pas trop pourquoi ni comment, mais elles sont la et il y a de la vie autour et dedans. Il y a les caleches qui par endroits sont plus abondantes que les voitures et forcent les rutilants vehicules a patienter un peu (et, patients, les montenegrins ne le sont pas trop lorsqu'ils conduisent...). Il y a les konoba, tout petit restaurants populaires, qui sont perdues elles aussi au bord de la route et qui ouvrent une porte chaleureuse a qui voudrait y entrer. Il y a des tas de choses comme ca qui font qu'un trajet en voiture ce n'est jamais aussi simple que ca : il faut s'arreter, s'emerveiller, discuter, rester parfois...

     

    Crna Gora Crna Gora

    Rencontre avec Andrija, au bord de la route justement.
    Musique, rakia, jus de grenade, et autres bonheurs fugaces le temps d'un arret...

     

     

    Le printemps arrive, repart, revient... On se fait inviter pendant deux jours chez les parents de Nino, rencontre quelques jours auparavant a Podgorica, la capitale. Premiere fois que l'on se retrouve en milieu rural, chez des gens avec qui l'on communique sans aucun mal malgre d'evidents problemes de langage. Plus on s'enfonce dans l'est, moins les gens parlent anglais... On s'en sort plutot bien : notre vocabulaire ne cesse d'augmenter, et on se surprend parfois a etre capable de formuler quelques phrases hesitantes et qui sont probablement grammaticalement scandaleuses... mais on communique, on se fait comprendre et on comprend ! C'est fou de sentir ces choses la venir petit a petit.

     

    Crna Gora

    Cleo plante des patates dans le terrain familial.
    Enfin, pas trop longtemps quand meme, parce qu'ici l'agriculture est reste quelque chose
    d'eminemment masculin. On comprend qu'on bouscule parfois un peu les mentalites. De la delicatesse s'impose...

    Crna Gora

     

    Crna Gora

    Neda et sa čorba

    La čorba, un autre delice des Balkans. La čorba c'est tout simplement la soupe. La soupe de ce qu'on veut : haricots, patates, viande, ... mais enfin avec quand meme un petit gout d'ici qui fait que dans nos tetes on fait la difference. La čorba, par ailleurs, n'est jamais mixee.

     

    Depuis qu'on est au Montenegro, la musique dans la rue, ce n'est plus la meme chose non plus. On attire a nous de veritables foules, composees le plus souvent de gitans. C'est que la rue, eux aussi, c'est leur territoire... dans toutes les villes ou l'on passe, on les retrouve toujours. Les enfants qui mendient aux terasses des cafes, les adultes assis par terre, vieux chapeau devant qui appelle a quelques pieces de monnaie. On aurait pu croire que les roms ne verraient pas d'un tres bon oeil notre initiative d'aller jouer dans la rue, mais au contraire : ils sont tres curieux de nous la plupart du temps et il y a beaucoup de bienveillance dans tout ce que l'on est ammene a echanger.

    A noter aussi, le repertoire balkanique a l'accordeon qui fait reagir les gens... C'est que les balkans, maintenant, on y est, et les gens se reconnaissent dans ces "Jovano Jovanke" , "Ajde Jano" et autres "Ani Mori Nuse". Ca reveille des conflits en eux parfois. Il faut faire attention et s'enquerir a chaque fois de qui a fait la guerre a qui avant d'aller chanter inocemment des morceaux qui ravivent de vieilles douleurs. En Croatie, on n'aimait pas trop que je chante "Ajde Jano" (chanson serbe). Ici, c'est plutot avec l'Albanie que ca ne passe pas. Pour d'autres raisons, d'autres histoires... et ces histoires la, par le biais de la musique, on commence a les decrypter peu a peu. Quelques unes d'entre elles, du moins.

     

    Crna Gora

    Musique a Nikšič

     

    Le Montenegro pour nous ca a aussi ete ces longues echappees dans la nature. Nora etant avec nous, on a plante la tente pendant deux semaines. Alors, forcement, des choses se creent, des moments se font : des veillees au coin du feu, des lectures dans la tente, des petits repas mijotes sur les braises, des baignades dans les rivieres...

     

    Crna Gora

    Crna Gora

    Et la Nora, qui est retournee dans son Allemagne et qui nous manque !

     

     

    Que dire encore... Tellement de choses, en verite. Cet article-bordel pullule de photos et de bribes de textes, mais il me semble qu'il manque cruellement de tout, qu'il ne dit rien de ce que ca a ete d'etre la. Ca devient de plus en plus dur, d'ecrire sur ce voyage. Il faudrait y passer des heures, s'arreter sur bon nombre de details parce que, aussi insignifiants qu'ils soient, ils nous ont touchees d'une facon ou d'une autre. Le temps manque pour raconter tout ca, les longues seances de cyber cafe sont epuisantes quand on revient de dix jours perdue en pleine campagne... Enfin ! On trouvera d'autres facons pour raconter. (j'y reflechis activement)

     

    Manon                         

     

     

     


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    2 mars          

    Quelque part entre Zadar et Split         

     

     

    Sur la Magistrale, brinquebalant sur l'asphalte, roule Vanette ! Roule et rugit sous le soleil de la cote Dalmate. La douce palette de couleurs croates ouvre grand la gueule pour mieux nous devoiler ses nuances : verts oliviers, brunes montagnes aux tendres rocailles. La mer, de son bleu turquoise profond, nargue le ciel qui ne s'en offusque pas et persiste dans son azur limpide. 

    Chaque chose est a sa place.

    Le soleil en haut et nous en bas, le vent entre les branches et l'oiseau dans ses bras, les courbes des collines noyees dans l'Adriatique juste la... 

    Chaque chose est a sa place, et dans l'harmonie tranquille de la nature on reve parfois que s'invite un intrus pour venir troubler l'eternelle fete des elements.

    C'est alors qu'il surgit au bord de la route, impromptu comme un coup de feu dans l'evidence du silence. Un bateau. Il montre le bout de son nez pointu entre les arbres et semble se moquer eperdumment du paysage, drole qu'il est dans son habit de peinture delavee, rose defraichi par les annees. Un bateau au milieu de la caillasse et des buissons.

    Que fait-il ici, ce marin d'eau rousse ! Ce vaisseau oublié des flots (pourtant tout proches !). On lui pose la question, mais la canaille en rouille n'écoute ni ne répond. Trop abimé par le vent et le sel pour reprendre les eaux, mais trop fier encore pour etre qualifié de carcasse, il est la, simplement, planté dans le décor. Il attend ; peut-etre Godot, peut-etre le siecle a venir, peut-etre un poisson volant. Ou alors rien du tout. Il est la. Il ne navigue plus, il s'embaume et s'enroule dans les odeurs et les couleurs alentour. Aneth, olives, romarin, et poussiere bien sur. On pourrait croire l'auguste vaisseau a l'abandon, mais les signatures gravées sur ses flancs nous démentent. D'autres sont venus avant nous, et d'autres viendront, surement.

    On grimpe et on crapahute sur le pont. Les portes ne sont plus que de larges trouées dans la tole, béantes comme de grandes bouches édentées en mal de baisers que personne ne veut leur offrir. "Entrez avant de frapper !" semblent-elles dire. On fait un pas, puis deux : le bateau nous avale tout rond. 

    Dans ses entrailles s'amoncellent déchets et bricoles, frasques de fetes oubliées, vetements mangés aux mites et bien d'autres désordres jamais digérés. La cabine regorge de ces décombres qu'elle couve comme des trésors. Pour peu que l'on sache regarder, on y fait d'intéressantes trouvailles qu'on a tot fait d'enfourner dans nos poches tout comme le vaisseau nous a enfournées dans son ventre. Voila qu'on s'y enfonce davantage encore en empruntant l'escalier qui mene aux cales. Les clous rouillés et les vieux journaux tintent et craquent sous nos pas : difficile de voir ou l'on met les pieds dans ce boyau obscur dont les fenetres encrassées laissent a peine passer la lumiere du jour. 

    Au moins la grosse bete a-t-elle eu le bon gout de venir s'échouer de traviole : le monde depuis les hublots semble s'incliner devant l'épave, et la mer sous cet angle insolite parait gonflée comme un ballon pret a éclater. Mais le navire échappé se moque bien de la mer : il ne lui appartient plus désormais.

    Peut-etre a-t-il sciemment franchi les murailles de l'eau, peut-etre a-t-il toujours revé d'etre un bateau sur la terre. Arraché a son élément, voyageur déraciné, il est la maintenant et s'accomode fort bien de sa réalité nouvelle. Je voudrais, comme lui, lever l'ancre de mes attaches passées et aller me frotter au monde, quand bien meme ce ne soit pas le mien.

    Qu'importent les origines, m'a dit le bateau aterré. Pour ceux qui ne s'appesantissent pas de leur condition il n'est pas de frontieres. 

    Nous reprenons la route, lui derriere nous, toujours aussi immobile, toujours aussi esseulé. D'autres viendront mettre de la vie entre ses murs éventrés. Il est ouvert a tous les vents, offert a tous les passants qui voudraient bien s'y aventurer : c'est la sa liberté. La notre est de continuer d'errer sur les chemins jusqu'a ce qu'une autre rencontre improbable nous incite a nous arreter.

     

     

     

    Le bateau sur la terre Le bateau sur la terre

     

     


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